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TRYO interview Manu
Le soleil brille à Maubeuge, la journée est belle et le premier jour du festival Les Folies de Maubeuge est une réussite. Tryo est tête d'affiche en cette première journée et ils nous ont fait l'honneur de nous accorder une interview.
Derrière la scène, les membres arrivent au compte goutte. D'abord Daniel, puis Guizmo et Manu. Ce dernier nous accorde vingt cinq minutes d'entretien où il parle du groupe, des projets, de la tournée et de la saison des festivals en toute simplicité et avec une grande humilité.
Cyril Scènes du Nord : Vous avez débuté la tournée en octobre à Lille et multiplié les dates dans toute la France et à l'étranger, quel regard portez vous sur la tournée et quel accueil avez-vous eu à l'étranger ? Après les festivals, allez-vous reprendre la tournée ?
Manu : Le spectacle qu'on a commencé en octobre est un spectacle particulier, qu'on ne fait plus.
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On l'a fait avec deux autres musiciens, DJ Catman et Benjamin Violet, il y avait des décors, une mise en scène et il durait environ trois heures. Maintenant, place aux festivals, le délai de programmation est beaucoup plus court, la durée se situe entre 1h15 et 1h45 grand max. On ne peut pas emmener les décors et reproduire l'histoire avec six musiciens. Pour les festivals, nous faisons un mix de morceaux des anciens albums et du dernier évidemment.
Si le spectacle est demandé et si on nous le demande, on le refera avec un grand bonheur parce qu'on a tripé.
Pour répondre à ta question, l'accueil de ce gros spectacle a été super, les gens ont vraiment apprécié. Le côté électro n'a pas été bien pris par tout le monde parce que des gens n'apprécient pas ça et font un blocage sur tout ce qui est électro. Je peux les comprendre, je ne suis pas forcément un fan de ce style mais le but était de s'étonner, de faire des choses différentes et on a beaucoup apprécié de faire ça.
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Nous le referons peut être un jour.
Pour l'étranger, c'est encore autre chose. En Allemagne, par exemple, cela fait à peu près un an qu'on y va. Lorsqu'on s'est retrouvé là bas, on a joué à quatre et on s'est rendu compte que cela faisait bien dix ans qu'on ne l'avait pas fait, que l'on n'avait pas retrouvé le Tryo de base, à quatre. Le spectacle de la tournée (Ladilafé) a pris fin et maintenant on continue à quatre. Le public allemand que l'on rencontre depuis peu de temps est très enthousiaste et très francophone, beaucoup plus doué que nous dans les langues étrangères c'est une évidence. Nous avons été très bien accueillis.
Nous nous sommes aussi rendus au Japon il n'y pas longtemps et nous y retournons à la fin de l'année pour faire trois concerts, deux à Tokyo et un à Osaka. On est contents d'y aller, c'est une bonne surprise mais il n'y a pas de volonté chez nous de développer un marché à l'étranger.
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Ce serait plus le souci de la maison de disque que le notre. Notre métier c'est de faire de la musique mais pas de vendre des disques, on aime écrire des chansons et les réaliser ensemble mais surtout faire de la scène. Tryo c'est surtout un groupe qui a démarré sur scène et c'est ça qui nous motive.
SDN : Guizmo me confiait au mois d'octobre qu'avant la première de la tournée, il y avait quelque chose d'intense, avec un peu de stress car le travail de préparation était conséquent. Est-ce qu'avec le début de la saison des festivals c'est plus cool ou c'est le même sentiment ?
Manu : C'est plus cool évidemment, il y a un côté colo. Il y a toujours un peu d'appréhension de se dire comment on prend le virage ? Qu'est ce qu'on fait ? Qu'est ce qu'on met de côté ? Qu'est qu'on garde ? On s'est habitué à jouer à six avec un plus gros volume sonore, comment on va s'adapter à quatre pour les festivals ? En même temps, on a tellement de ficelles dans notre sac depuis presque vingt ans qu'on retrouve des réflexes du Tryo à quatre.
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C'est assez amusant. C'est un retour aux sources de reggae acoustique, festif, avec de l'impro et de la déconnade.
SDN : A chaque sortie d'album, à chaque tournée, on sent vraiment un réel plaisir de la part du groupe de transmettre votre musique. Mais d´un point de vu personnel, après la tournée et les festivals, est ce que chacun va se projeter sur des projets en solo ?
Manu : Le plus gros projet solo, au niveau professionnel et en dehors de Tryo, et je vais parler pour moi car c´est difficile de parler pour les autres, c´est de continuer à travailler la musique. C´est quelque chose d´infini où on peut toujours apprendre. Donc je continue à travailler ma guitare, j´apprends le violon depuis un an et demi et j´étudie l´orchestration, l´écriture pour orchestre donc je dois progresser en solfège. Evidemment j´écoute beaucoup de musique classique, principalement du début du Vingtième, Stravinski, Debussy, Ravel, ce sont mes compositeurs préférés.
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Franck Zappa aussi, c´est à part, lui aussi était également un grand admirateur de ces compositeurs. Je prépare actuellement un hommage à Franck Zappa à Blois avec un ami de longue date et en partenariat avec le Conservatoire de la ville. Le spectacle sera gratuit et nous jouerons une quinzaine de titres avec les élèves et des invités musicaux. Ce sera le 21 décembre, date de la naissance de Zappa. Je me suis d´ailleurs fait un petit cadeau hier, je vous montrerais ça tout à l´heure, c´est une édition de la SG Roxy74 de Zappa, il n´y a que 400 exemplaires. Je ne vais pas jouer avec ce soir, c'est pour le projet Zappa.
Pour les autres, Guiz a beaucoup tourné avec Le Pied De La Pompe, avec le collectif " On y pense " où il y avait Zeitoun de La Rue Kétanou, des gars du Pied De La Pompe et Alee. Je pense qu´il va remettre le couvert dès qu´il aura du temps de libre.
Christophe (Mali) est toujours intervenant auprès des Chantiers des Francos où il aide des jeunes artistes pour la mise en scène, pour prendre conscience de ce que c´est d´être sur scène et qu'est ce que l'on peut raconter avec le visuel.
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Daniel est dans la vidéo, il monte beaucoup d'images concernant Tryo mais je pense que de plus en plus il envisage des projets à ce niveau là.
Et puis surtout, pour la plupart, c´est la vie de famille. C´est tout aussi important que le reste. Dès qu´on est pas en tournée on rentre à la maison.
SDN : L´actualité est très riche, avec le mariage pour tous, la guerre en Syrie, etc. Est-ce que ça ne vous donne pas déjà des idées pour réécrire et refaire rapidement un album ?
Manu : Ecoute, ça viendra. Certainement dans deux ans mais pour l´instant, on n´y est pas du tout. On ne peut pas anticiper sur ce qu´on va être dans un an ou dans deux ans.
Il y a forcément des choses qui nous inspirent. Guiz et Christophe écrivent, c´est leur hygiène de vie, c´est du quotidien pour eux. Pour moi, c´est les notes de musique. Des gens le font, pas nous. De notre côté, on a la chance et le luxe d´avoir un public qui nous attend, qui est très fidèle et nous ne sommes pas obligés d´enchaîner tournée, album, tournée, album.
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On prend souvent un an ou deux ans de pause. Nous avons une chance énorme de connaître le succès avec le groupe, on connaît beaucoup de musiciens qui ont commencé avant nous, qui nous ont donné envie de jouer et ils ne s´en sortent pas aussi bien que nous.
Nous, on a jamais vraiment galéré, car au bout de trois ans le groupe a cartonné. J´ai commencé la guitare et dix ans après j´ai gagné ma vie avec Tryo. J´ai fait des petits boulots mais tout ça faisait parti du processus dans lequel j´étais, un cursus autodidacte. Je me suis formé, j´ai été voir des musiciens, je n´ai pas fait d´écoles de musique, c´était juste pour moi l´appel de la vie. C´est un voyage pour moi la musique, un truc pour traverser l'existence.
Mais si on s´y met, l´écriture de l´album pourrait commencer l´année prochaine, des chansons vont commencer à arriver. Et puis dès qu´on aura assez de chansons on ira.
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Pour nous, les albums de Tryo n´ont jamais été quelque chose de conceptuel, ça a toujours été un recueil de chansons. En tout cas, il y a des envies de retour à quatre, comme pour la scène, et je pense que sur le disque il est fort probable que ça aille par là. On peut se tromper, mais on a cette sensation que l´on va retourner vers du reggae acoustique pure et simple, avec de la poésie et du texte. Ce n´est pas les sujets qui manquent, mais si un sujet te touche et que tu écris une chanson c´est vraiment parce que ça te touche. Il y a soit un truc du quotidien, soit de l´actualité mais c´est un truc qui te remue.
SDN : Comment se passe le travail d´écriture ?
Manu : On se pose la question de savoir sous quel angle on va traiter le sujet. La chanson c´est un peu comme un film, tu racontes une histoire : qu´est ce qui se passe ? Où est l´enjeu du sujet, de l´intrigue et du personnage ? Je m´arrange pour que ça décrive un décor, la musique c´est aussi les arrangements.
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On jette des idées, on fait de l´impro en studio ou quant on fait une maquette on se dit " ah tiens je prendrais bien une basse, des percus etc ", on essaie et on ne s´empêche rien du tout. Ensuite on fait le tri sur ce qui va et ce qui ne va pas.
C´est un peu prétentieux ce que je vais dire mais pour moi il y a un truc de très vital dans l´écriture du groupe, c´est que le besoin se fait ressentir. S´il n´y avait plus ça, je pense que le groupe s´arrêterait. Il faut sentir l´envie, le manque. On est très différent mais on se complète, c´est rare des choses comme ça.
En France, il y a énormément de groupes, il n´y a pas que nous mais des groupes qui durent aussi longtemps, avec un public aussi fidèle et en arrivant à se renouveler, (pause)... ça paraît super prétentieux ce que je dis, mais il n´y en a pas beaucoup. Je pense aux Ogres qui existent depuis 20 ans, au Sinsemilia, ou d´autres qui ont arrêté pendant des années, Zebda, Louise Attaque, ce sont des gens qui ont été assez intelligents pour ne pas s´étouffer, pour pas épuiser toute leur énergie et prendre le temps.
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Et aussi parce qu´ils ont eu du succès, c´est ça qui te permet de prendre le temps.
SDN : Le groupe a-t-il déjà eu des difficultés d´entente ?
Manu : Les soucis de Tryo n´ont jamais été d´ordre financier mais plus de différence de tempéraments, d´égos et ça prend du temps, les premières années, à trouver la bonne osmose pour qu´il y ait moins de perte d´énergie dans des engueulades ou des trucs comme ça. Aujourd´hui, si on n´est pas d´accord sur un truc on discute mais on ne s´engueule plus. C´est comme dans tous les couples, familles, ou tribus, dès qu´il y en a un qui part trop loin les autres sont là pour qu´il redescende. C´est l'avantage d´un groupe. Tu t´équilibres vachement, on se dit ça va aller, on est là, même pour les soucis de la vie.
SDN : Vous avez déjà fait beaucoup de collaborations.
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Vous êtes forts de votre succès qui dure depuis des années, grâce à ça, est ce qu´il y a eu d´autres artistes qui sont venus vous chercher pour de nouvelles collaborations?
Manu : Oui ça arrive. Dans l´histoire, il y a eu les Ogres qui nous ont appelé pour Pitt´Ocha où on a fait le moreau Mam´zelle Bulle, on a adoré faire ça. Notre prof´ de chant qui est là aujourd´hui avec qui on travaille en ce moment, on essaie de progresser vocalement et même récupérer des choses et des façons de faire qu´on avait perdu.
Sur scène, il y a eu Lavilliers, Higelin, Thiéfaine, Renaud. En Studio, il y a eu Lavilliers sur un de ses albums, dernièrement il y a eu Boulevard des Airs. Et beaucoup d´autres.
SDN : Est-ce qu´il y a un festival que vous attendez plus que les autres ?
Manu : Non, on n´a pas le culte du prestige d´un festival. Il y en a où on a bien tripé, où tu rencontres des gens que tu ne pourrais pas rencontrer habituellement genre Dour, Nyon en Suisse où on va aller, il y aura d´ailleurs Santana je crois.
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A Dour, on a rencontré des gens comme Motorhead, Mike Patton le chanteur de Faith No More, King Crimson c´était vraiment magnifique. Quand tu sais que tu vas rencontrer un artiste international que t´aime bien, que tu n´as pas l´occasion de voir et que d´un coup tu tombes le même jour que lui c´est génial.
SDN : Ca fait bientôt 20 ans que le groupe existe, est ce qu´il y a eu des événements déterminants qui ont changé l´histoire de Tryo ?
Manu : Oui, le premier truc c´est le carton du groupe en 1998 lorsqu´on signe avec Patricia Bonnetaud, notre chère Patricia disparue l´année dernière dont on parle dans la chanson Ladilafé. Avant cette signature on avait déjà pas mal vendu de disques par nos propres moyens, de l´ordre de 16 000 disques, c´était énorme. Patricia et d´autres maisons de disques sont venues vers nous et on s´est vite rendu compte que Patricia était la bonne personne.
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Très vite il y a eu un carton et on a commencé à gagner notre vie.
Il y a eu aussi nos premières grosses scènes, les premiers festivals où tu joues devant 6 000, 10 000 personnes. Notre première fois à Bercy où on a joué entre deux groupes qu´on admirait.
Dans notre progression à nous, c´est surtout des choses qui sont arrivés à l´un et à l´autre, de l´ordre du privé. Surtout pour moi, je suis beaucoup dans l´empathie et si un ami n´est pas bien je ne suis pas bien. Je suis très sensible à l´énergie de l´autre. Je pense que c´est la même chose pour les autres, enfin ils sont peut être beaucoup plus solides que moi.
En gros c´est ce genre d´événements qui nous font progresser. Il y a eu aussi Hélène Bowie, notre prof´ de chant qui nous a fait faire un bon au niveau vocal, Dominique Le Vidal qui réalise nos albums avec nous depuis Grains de Sable, les rencontres avec les techniciens lumières aussi.
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Il y a tellement de choses à raconter...
SDN : Qu´est ce qu´on peut souhaiter à Tryo ?
Manu : De continuer à faire ce qu´on fait, de monter sur scène et avoir toujours envie de vouloir y monter, de continuer à chercher l´équilibre parce que ce n´est pas permanent mais transitoire. Cet équilibre fait notre force. Que chaque membre aille bien et soit heureux de vivre. Le plus important c´est la relation qu´on peut entretenir avec les gens.
SDN : Je te remercie beaucoup pour le temps que tu nous as accordé.
Manu : Avec plaisir.
Comme promis pendant l´interview, Manu reste avec nous cinq minutes de plus. Il nous montre la réplique de la guitare de Franck Zappa et nous fait partager sa passion de la musique et son bonheur d´être là. Un grand merci à lui, à Tryo et à la Prod´.
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TRYO interview Manu
Le soleil brille à Maubeuge, la journée est belle et le premier jour du festival Les Folies de Maubeuge est une réussite. Tryo est tête d'affiche en cette première journée et ils nous ont fait l'honneur de nous accorder une interview.
Derrière la scène, les membres arrivent au compte goutte. D'abord Daniel, puis Guizmo et Manu. Ce dernier nous accorde vingt cinq minutes d'entretien où il parle du groupe, des projets, de la tournée et de la saison des festivals en toute simplicité et avec une grande humilité.
Cyril Scènes du Nord : Vous avez débuté la tournée en octobre à Lille et multiplié les dates dans toute la France et à l'étranger, quel regard portez vous sur la tournée et quel accueil avez-vous eu à l'étranger ? Après les festivals, allez-vous reprendre la tournée ?
Manu : Le spectacle qu'on a commencé en octobre est un spectacle particulier, qu'on ne fait plus. On l'a fait avec deux autres musiciens, DJ Catman et Benjamin Violet, il y avait des décors, une mise en scène et il durait environ trois heures. Maintenant, place aux festivals, le délai de programmation est beaucoup plus court, la durée se situe entre 1h15 et 1h45 grand max. On ne peut pas emmener les décors et reproduire l'histoire avec six musiciens.
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Pour les festivals, nous faisons un mix de morceaux des anciens albums et du dernier évidemment.
Si le spectacle est demandé et si on nous le demande, on le refera avec un grand bonheur parce qu'on a tripé.
Pour répondre à ta question, l'accueil de ce gros spectacle a été super, les gens ont vraiment apprécié. Le côté électro n'a pas été bien pris par tout le monde parce que des gens n'apprécient pas ça et font un blocage sur tout ce qui est électro. Je peux les comprendre, je ne suis pas forcément un fan de ce style mais le but était de s'étonner, de faire des choses différentes et on a beaucoup apprécié de faire ça. Nous le referons peut être un jour.
Pour l'étranger, c'est encore autre chose. En Allemagne, par exemple, cela fait à peu près un an qu'on y va. Lorsqu'on s'est retrouvé là bas, on a joué à quatre et on s'est rendu compte que cela faisait bien dix ans qu'on ne l'avait pas fait, que l'on n'avait pas retrouvé le Tryo de base, à quatre. Le spectacle de la tournée (Ladilafé) a pris fin et maintenant on continue à quatre. Le public allemand que l'on rencontre depuis peu de temps est très enthousiaste et très francophone, beaucoup plus doué que nous dans les langues étrangères c'est une évidence.
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Nous avons été très bien accueillis.
Nous nous sommes aussi rendus au Japon il n'y pas longtemps et nous y retournons à la fin de l'année pour faire trois concerts, deux à Tokyo et un à Osaka. On est contents d'y aller, c'est une bonne surprise mais il n'y a pas de volonté chez nous de développer un marché à l'étranger. Ce serait plus le souci de la maison de disque que le notre. Notre métier c'est de faire de la musique mais pas de vendre des disques, on aime écrire des chansons et les réaliser ensemble mais surtout faire de la scène. Tryo c'est surtout un groupe qui a démarré sur scène et c'est ça qui nous motive.
SDN : Guizmo me confiait au mois d'octobre qu'avant la première de la tournée, il y avait quelque chose d'intense, avec un peu de stress car le travail de préparation était conséquent. Est-ce qu'avec le début de la saison des festivals c'est plus cool ou c'est le même sentiment ?
Manu : C'est plus cool évidemment, il y a un côté colo. Il y a toujours un peu d'appréhension de se dire comment on prend le virage ? Qu'est ce qu'on fait ? Qu'est ce qu'on met de côté ? Qu'est qu'on garde ? On s'est habitué à jouer à six avec un plus gros volume sonore, comment on va s'adapter à quatre pour les festivals ? En même temps, on a tellement de ficelles dans notre sac depuis presque vingt ans qu'on retrouve des réflexes du Tryo à quatre.
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C'est assez amusant. C'est un retour aux sources de reggae acoustique, festif, avec de l'impro et de la déconnade.
SDN : A chaque sortie d'album, à chaque tournée, on sent vraiment un réel plaisir de la part du groupe de transmettre votre musique. Mais d´un point de vu personnel, après la tournée et les festivals, est ce que chacun va se projeter sur des projets en solo ?
Manu : Le plus gros projet solo, au niveau professionnel et en dehors de Tryo, et je vais parler pour moi car c´est difficile de parler pour les autres, c´est de continuer à travailler la musique. C´est quelque chose d´infini où on peut toujours apprendre. Donc je continue à travailler ma guitare, j´apprends le violon depuis un an et demi et j´étudie l´orchestration, l´écriture pour orchestre donc je dois progresser en solfège. Evidemment j´écoute beaucoup de musique classique, principalement du début du Vingtième, Stravinski, Debussy, Ravel, ce sont mes compositeurs préférés. Franck Zappa aussi, c´est à part, lui aussi était également un grand admirateur de ces compositeurs. Je prépare actuellement un hommage à Franck Zappa à Blois avec un ami de longue date et en partenariat avec le Conservatoire de la ville. Le spectacle sera gratuit et nous jouerons une quinzaine de titres avec les élèves et des invités musicaux.
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Ce sera le 21 décembre, date de la naissance de Zappa. Je me suis d´ailleurs fait un petit cadeau hier, je vous montrerais ça tout à l´heure, c´est une édition de la SG Roxy74 de Zappa, il n´y a que 400 exemplaires. Je ne vais pas jouer avec ce soir, c'est pour le projet Zappa.
Pour les autres, Guiz a beaucoup tourné avec Le Pied De La Pompe, avec le collectif " On y pense " où il y avait Zeitoun de La Rue Kétanou, des gars du Pied De La Pompe et Alee. Je pense qu´il va remettre le couvert dès qu´il aura du temps de libre.
Christophe (Mali) est toujours intervenant auprès des Chantiers des Francos où il aide des jeunes artistes pour la mise en scène, pour prendre conscience de ce que c´est d´être sur scène et qu'est ce que l'on peut raconter avec le visuel.
Daniel est dans la vidéo, il monte beaucoup d'images concernant Tryo mais je pense que de plus en plus il envisage des projets à ce niveau là.
Et puis surtout, pour la plupart, c´est la vie de famille. C´est tout aussi important que le reste. Dès qu´on est pas en tournée on rentre à la maison.
SDN : L´actualité est très riche, avec le mariage pour tous, la guerre en Syrie, etc. Est-ce que ça ne vous donne pas déjà des idées pour réécrire et refaire rapidement un album ?
Manu : Ecoute, ça viendra.
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Certainement dans deux ans mais pour l´instant, on n´y est pas du tout. On ne peut pas anticiper sur ce qu´on va être dans un an ou dans deux ans.
Il y a forcément des choses qui nous inspirent. Guiz et Christophe écrivent, c´est leur hygiène de vie, c´est du quotidien pour eux. Pour moi, c´est les notes de musique. Des gens le font, pas nous. De notre côté, on a la chance et le luxe d´avoir un public qui nous attend, qui est très fidèle et nous ne sommes pas obligés d´enchaîner tournée, album, tournée, album. On prend souvent un an ou deux ans de pause. Nous avons une chance énorme de connaître le succès avec le groupe, on connaît beaucoup de musiciens qui ont commencé avant nous, qui nous ont donné envie de jouer et ils ne s´en sortent pas aussi bien que nous.
Nous, on a jamais vraiment galéré, car au bout de trois ans le groupe a cartonné. J´ai commencé la guitare et dix ans après j´ai gagné ma vie avec Tryo. J´ai fait des petits boulots mais tout ça faisait parti du processus dans lequel j´étais, un cursus autodidacte. Je me suis formé, j´ai été voir des musiciens, je n´ai pas fait d´écoles de musique, c´était juste pour moi l´appel de la vie. C´est un voyage pour moi la musique, un truc pour traverser l'existence.
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Mais si on s´y met, l´écriture de l´album pourrait commencer l´année prochaine, des chansons vont commencer à arriver. Et puis dès qu´on aura assez de chansons on ira. Pour nous, les albums de Tryo n´ont jamais été quelque chose de conceptuel, ça a toujours été un recueil de chansons. En tout cas, il y a des envies de retour à quatre, comme pour la scène, et je pense que sur le disque il est fort probable que ça aille par là. On peut se tromper, mais on a cette sensation que l´on va retourner vers du reggae acoustique pure et simple, avec de la poésie et du texte. Ce n´est pas les sujets qui manquent, mais si un sujet te touche et que tu écris une chanson c´est vraiment parce que ça te touche. Il y a soit un truc du quotidien, soit de l´actualité mais c´est un truc qui te remue.
SDN : Comment se passe le travail d´écriture ?
Manu : On se pose la question de savoir sous quel angle on va traiter le sujet. La chanson c´est un peu comme un film, tu racontes une histoire : qu´est ce qui se passe ? Où est l´enjeu du sujet, de l´intrigue et du personnage ? Je m´arrange pour que ça décrive un décor, la musique c´est aussi les arrangements. On jette des idées, on fait de l´impro en studio ou quant on fait une maquette on se dit " ah tiens je prendrais bien une basse, des percus etc ", on essaie et on ne s´empêche rien du tout.
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Ensuite on fait le tri sur ce qui va et ce qui ne va pas.
C´est un peu prétentieux ce que je vais dire mais pour moi il y a un truc de très vital dans l´écriture du groupe, c´est que le besoin se fait ressentir. S´il n´y avait plus ça, je pense que le groupe s´arrêterait. Il faut sentir l´envie, le manque. On est très différent mais on se complète, c´est rare des choses comme ça.
En France, il y a énormément de groupes, il n´y a pas que nous mais des groupes qui durent aussi longtemps, avec un public aussi fidèle et en arrivant à se renouveler, (pause)... ça paraît super prétentieux ce que je dis, mais il n´y en a pas beaucoup. Je pense aux Ogres qui existent depuis 20 ans, au Sinsemilia, ou d´autres qui ont arrêté pendant des années, Zebda, Louise Attaque, ce sont des gens qui ont été assez intelligents pour ne pas s´étouffer, pour pas épuiser toute leur énergie et prendre le temps. Et aussi parce qu´ils ont eu du succès, c´est ça qui te permet de prendre le temps.
SDN : Le groupe a-t-il déjà eu des difficultés d´entente ?
Manu : Les soucis de Tryo n´ont jamais été d´ordre financier mais plus de différence de tempéraments, d´égos et ça prend du temps, les premières années, à trouver la bonne osmose pour qu´il y ait moins de perte d´énergie dans des engueulades ou des trucs comme ça.
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Aujourd´hui, si on n´est pas d´accord sur un truc on discute mais on ne s´engueule plus. C´est comme dans tous les couples, familles, ou tribus, dès qu´il y en a un qui part trop loin les autres sont là pour qu´il redescende. C´est l'avantage d´un groupe. Tu t´équilibres vachement, on se dit ça va aller, on est là, même pour les soucis de la vie.
SDN : Vous avez déjà fait beaucoup de collaborations. Vous êtes forts de votre succès qui dure depuis des années, grâce à ça, est ce qu´il y a eu d´autres artistes qui sont venus vous chercher pour de nouvelles collaborations?
Manu : Oui ça arrive. Dans l´histoire, il y a eu les Ogres qui nous ont appelé pour Pitt´Ocha où on a fait le moreau Mam´zelle Bulle, on a adoré faire ça. Notre prof´ de chant qui est là aujourd´hui avec qui on travaille en ce moment, on essaie de progresser vocalement et même récupérer des choses et des façons de faire qu´on avait perdu.
Sur scène, il y a eu Lavilliers, Higelin, Thiéfaine, Renaud. En Studio, il y a eu Lavilliers sur un de ses albums, dernièrement il y a eu Boulevard des Airs. Et beaucoup d´autres.
SDN : Est-ce qu´il y a un festival que vous attendez plus que les autres ?
Manu : Non, on n´a pas le culte du prestige d´un festival.
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Il y en a où on a bien tripé, où tu rencontres des gens que tu ne pourrais pas rencontrer habituellement genre Dour, Nyon en Suisse où on va aller, il y aura d´ailleurs Santana je crois. A Dour, on a rencontré des gens comme Motorhead, Mike Patton le chanteur de Faith No More, King Crimson c´était vraiment magnifique. Quand tu sais que tu vas rencontrer un artiste international que t´aime bien, que tu n´as pas l´occasion de voir et que d´un coup tu tombes le même jour que lui c´est génial.
SDN : Ca fait bientôt 20 ans que le groupe existe, est ce qu´il y a eu des événements déterminants qui ont changé l´histoire de Tryo ?
Manu : Oui, le premier truc c´est le carton du groupe en 1998 lorsqu´on signe avec Patricia Bonnetaud, notre chère Patricia disparue l´année dernière dont on parle dans la chanson Ladilafé. Avant cette signature on avait déjà pas mal vendu de disques par nos propres moyens, de l´ordre de 16 000 disques, c´était énorme. Patricia et d´autres maisons de disques sont venues vers nous et on s´est vite rendu compte que Patricia était la bonne personne. Très vite il y a eu un carton et on a commencé à gagner notre vie.
Il y a eu aussi nos premières grosses scènes, les premiers festivals où tu joues devant 6 000, 10 000 personnes.
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Notre première fois à Bercy où on a joué entre deux groupes qu´on admirait.
Dans notre progression à nous, c´est surtout des choses qui sont arrivés à l´un et à l´autre, de l´ordre du privé. Surtout pour moi, je suis beaucoup dans l´empathie et si un ami n´est pas bien je ne suis pas bien. Je suis très sensible à l´énergie de l´autre. Je pense que c´est la même chose pour les autres, enfin ils sont peut être beaucoup plus solides que moi.
En gros c´est ce genre d´événements qui nous font progresser. Il y a eu aussi Hélène Bowie, notre prof´ de chant qui nous a fait faire un bon au niveau vocal, Dominique Le Vidal qui réalise nos albums avec nous depuis Grains de Sable, les rencontres avec les techniciens lumières aussi. Il y a tellement de choses à raconter...
SDN : Qu´est ce qu´on peut souhaiter à Tryo ?
Manu : De continuer à faire ce qu´on fait, de monter sur scène et avoir toujours envie de vouloir y monter, de continuer à chercher l´équilibre parce que ce n´est pas permanent mais transitoire. Cet équilibre fait notre force. Que chaque membre aille bien et soit heureux de vivre. Le plus important c´est la relation qu´on peut entretenir avec les gens.
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SDN : Je te remercie beaucoup pour le temps que tu nous as accordé.
Manu : Avec plaisir.
Comme promis pendant l´interview, Manu reste avec nous cinq minutes de plus. Il nous montre la réplique de la guitare de Franck Zappa et nous fait partager sa passion de la musique et son bonheur d´être là. Un grand merci à lui, à Tryo et à la Prod´.
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